Que s’est-il passé en 2024 ?
L’année 2024 a été extrêmement difficile pour la population d’Haïti. Elle a traversé une période marquée par des défis sécuritaires, humanitaires et sanitaires. La violence des gangs a continué de sévir, notamment à Port-au-Prince, où environ 85 % de l’agglomération est sous leur contrôle, entraînant le déplacement de centaines de milliers de résidents vers des camps improvisés aux conditions précaires.
Selon les Nations Unies, en 2024, plus de 5 600 morts sont imputables aux groupes armés à travers le pays. Une recrudescence des violences sexuelles ciblant les femmes et les filles est également observée.
En mars 2024, les bandes armées se sont unies sous le nom de groupe « Vivre ensemble » et ont attaqué commissariats, hôpitaux, le port, ainsi que le pénitencier national et la prison de la Croix-des-Bouquets. Au total, plus de 4 500 prisonniers ont été libérés par les groupes armés, incluant des membres affluents de ces mêmes gangs, ainsi que des hommes liés à l’assassinat du président Jovenel Moïse, en 2021.
Le gouvernement haïtien a déclaré l’état d’urgence et un couvre-feu pour une durée d’un mois. Les pays des Caraïbes se sont réunis en urgence le 11 mars en Jamaïque, à l’initiative de la CARICOM (Communauté des Caraïbes), avec des représentants de l’ONU et de plusieurs pays, dont la France et les États-Unis. Le premier ministre haïtien, Ariel Henry, a alors annoncé sa démission au profit d’un conseil de transition composé de membres de la société civile et destiné à désigner son successeur.
Pour endiguer le désordre mené par les bandes armées dans le pays, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé le déploiement d’une mission multinationale de soutien fin 2023. C’est le Kenya qui a pris la tête de cette mission. Les premiers hommes sont arrivés en Haïti en juin 2024, avec pour objectif de contenir la violence des gangs et renforcer le maintien de l’ordre au niveau national.
Fin 2024, de nouveaux épisodes de violence ont pris place, sous la forme de massacres de la population. Le 3 octobre 2024 à Pont Sondé, à une centaine de kilomètres de la capitale, 70 personnes ont été assassinées par les gangs. Plus récemment, le 6 décembre, 207 personnes, principalement des personnes âgées, ont été tuées à Warf Jeremy, en banlieue de Port-au-Prince.
L’état des lieux dans nos structures
La crise sécuritaire dans le pays a une influence sur nos programmes et nos infrastructures. En effet, les entrées et les sorties autour de nos structures représentent un réel risque pour les enfants, leurs parents, ainsi que pour nos équipes.
À Kenscoff, commune plus éloignée de la capitale, les risques, bien qu’existants, sont moindres. L’école Sainte-Hélène fonctionne sans encombre et continue d’accueillir les élèves.
À Tabarre, où se trouvent notre école FWAL, notre école et centre de thérapie Sainte-Germaine, ainsi que notre hôpital pédiatrique, la menace de fusillades reste élevée avec notamment les balles qui fusent près de notre école. FWAL et Sainte-Germaine restent ouvertes et continuent d’accueillir les enfants quand la situation le permet.
L’hôpital Saint-Damien se situe dans une zone rouge. Les nombreux convois de police près de l’hôpital témoignent de la tension ambiante. Malgré les dangers, l’hôpital reste ouvert et continue de soigner les enfants qui se présentent à ses portes. Pour cela, l’hôpital a dû réorganiser les heures de travail des équipes, afin de limiter les allers et retours, mais aussi s’adapter aux perturbations dans la chaîne d’approvisionnement médicale, qui touchent l’ensemble des structures médicales du pays.
Point sur la situation actuelle
Actuellement, la situation n’a que très peu évolué. Au niveau politique, le premier ministre nommé par le conseil de transition en juin, a été remplacé par Alix Didier Fils-Aimé en novembre, notamment à cause des désaccords avec le gouvernement intérimaire. À Port-au-Prince et ses alentours, les violences continuent, comme en témoignent les massacres de Pont Sondé et Wharf Jeremy. Cela a pour conséquence de provoquer de grands déplacements de populations. Plus d’1 million de personnes sont aujourd’hui déplacées internes en Haïti, selon les dernières informations de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Plus de la moitié de ces déplacés internes sont des enfants. Cette crise et le déplacement massif de la population engendrent des conséquences importantes, puisque les personnes déplacées manquent d’accès aux soins, ainsi qu’à la nourriture. Selon le Programme Alimentaire Mondial, fin 2024, près de 82% des familles déplacées, en banlieue de la capitale, ne mangent qu’un seul repas par jour et parfois ne mangent pas.
Selon Bruno Maes, représentant de l’UNICEF en Haïti, le système de santé est au bord de l’effondrement. Six hôpitaux sur dix ne sont pratiquement plus opérationnels en raison de l’escalade de la violence à Port-au-Prince. Le dernier exemple en date remonte à décembre : des individus armés ont pris pour cible l’hôpital Bernard Mevs, l’ont incendié et ont détruit des infrastructures vitales, dont quatre salles d’opération et tout le matériel de laboratoire. Tragiquement, l’hôpital a également perdu un des cinq scanners de Port-au-Prince, fragilisant d’autant plus le système de santé.
Plus de 80 soldats du Guatemala et du Salvador sont arrivés le 3 janvier 2025 à Port-au-Prince, pour soutenir la police d’Haïti dans le cadre de la mission multinationale de sécurité. Cette dernière, menée par le Kenya, peine à enrayer la violence des gangs. Ce premier contingent venu d’Amérique latine est composé de 75 militaires guatémaltèques et huit Salvadoriens. Il sera prochainement complété par l’envoi de troupes supplémentaires, a indiqué le porte-parole adjoint de la police haïtienne, Lionel Lazarre.
Cependant, la mission peine à endiguer la violence sur place. Avec des effectifs en sous-nombre et un manque criant de matériel, les avancées se font lentes. En effet, selon l’ONU, 85% de la capitale est toujours contrôlée par ces gangs. Face à ce défi constant, les autorités de transition haïtiennes ont soumis aux Nations Unies un projet de transformation de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS) en opération de maintien de la paix. En théorie, la transformation de la MMAS garantirait une meilleure mobilisation des ressources et une meilleure coordination internationale.
L’année 2025 s’annonce pleine de défis pour la population haïtienne. Face à la situation, nous continuons d’accompagner les enfants à travers nos différents programmes.
Pour soutenir nos actions en Haïti, en faveur des enfants et familles vulnérables, faites un don !