L’éducation en Haïti présente des défis majeurs. De la période tumultueuse de l’occupation américaine aux initiatives de réforme plus récentes, l’éducation en Haïti a traversé des périodes de défis et d’opportunités.
Cependant, la situation actuelle du pays présente encore d’énormes défis. Ces défis sont notamment dus à des crises socio-politiques récurrentes, à la pauvreté généralisée et à l’instabilité économique, qui ont un impact direct sur le système éducatif haïtien.
Le système éducatif en Haïti
Le système éducatif en Haïti, hérité des pratiques coloniales, a connu des réformes visant à réduire les inégalités. Depuis l’indépendance en 1804, les contraintes politiques et économiques ont limité l’accès à l’éducation pour une grande partie de la population.
De plus, les réformes éducatives, comme celle de 1979, n’ont pas abouti aux résultats attendus en raison de la répartition inégale des ressources. L’occupation américaine (1915-1934) n’a pas non plus contribué au développement éducatif.
Les chiffres montrent une inégalité persistante, avec un faible taux de scolarisation dans les zones rurales. L’accès à l’éducation est compromis par l’instabilité politique, la violence et l’insécurité. Le taux d’analphabétisme reste élevé et les infrastructures éducatives sont souvent insuffisantes.
De plus, le manque de ressources financières et les inégalités entre les régions urbaines et rurales entravent l’éducation pour de nombreux enfants. Enfin, les efforts pour améliorer la qualité de l’éducation sont entravés par le manque d’enseignants qualifiés et de matériel pédagogique adéquat.
1 million d’enfants
Un million d’enfants ne sont pas scolarisés en Haïti en raison des troubles sociaux et de l’insécurité, du coût élevé de l’éducation, du manque de soutien aux plus vulnérables et de la médiocrité des services éducatifs
(Source : UNICEF)
80% des écoles sont non publiques
L’offre éducative est principalement non publique, avec plus de 80 pour cent des écoles appartenant au secteur privé.
(Source : UNICEF)
Les origines historiques
Sous les premiers gouvernements haïtiens, les écoles publiques, comme le lycée, étaient réservées aux enfants de personnes qui avaient rendu service à l’État.
Après le concordat de 1860, l’Eglise catholique avait une grande influence dans l’éducation haïtienne. L’Etat haïtien lui confiait la mission d’évangéliser et d’instruire le peuple. Les écoles congréganistes ont été sollicitées pour instruire les élites chrétiennes en Haïti.
Les enfants des classes privilégiées ont alors délaissé les écoles publiques au profit des écoles catholiques congréganistes. Ces écoles avaient pour but d’offrir une éducation d’excellence à la jeunesse haïtienne. En parallèle, les enfants issus des classes populaires fréquentaient de plus en plus les écoles publiques.
Dans les années 1970, les écoles catholiques congréganistes ont été confrontées à une forte demande scolaire. Elles sont ainsi devenues des lieux où se côtoyaient à la fois des enfants des classes populaires et des classes aisées.
Pour maintenir la distinction sociale, les familles aisées ont progressivement préféré inscrire leurs enfants dans des écoles internationales, abandonnant ainsi les écoles catholiques.
La multiplication des écoles et le manque de contrôle de l’État ont engendré un processus de privatisation et de dérégulation du système éducatif en Haïti. Ainsi, 83% des écoles du pays sont privées, tandis que seulement 17% sont publiques.
Durant l’époque coloniale, l’éducation était quasi inexistante. Sous Toussaint Louverture en 1801, un premier système éducatif fut instauré, géré par les administrations municipales. Après l’indépendance en 1804, la constitution prévoyait la création d’écoles publiques, mais leur nombre restait limité. En 1816, la gratuité de l’enseignement primaire fut introduite.
Sous Henri Christophe, le Grand-Nord bénéficiait d’un système éducatif complet, tandis que dans l’Ouest, l’éducation était moins développée malgré quelques initiatives privées. En 1844, le premier organe de gestion de l’éducation fut créé, marquant le début des réformes éducatives.
(Source : Educational System and Social Inequalities in Haiti)
Comprendre l’éducation en Haïti
- En Haïti, la carte scolaire n’est pas appliquée, laissant les élèves choisir leurs écoles indépendamment de leur emplacement géographique et selon la réputation de l’établissement.
- Les lycées publics, bien que réputés pour avoir de bons professeurs, attirent principalement des élèves des quartiers populaires, tandis que les familles aisées préfèrent les écoles privées mieux organisées.
- Certaines écoles privées en Haïti sont des écoles « loterie » ou « low-cost », de mauvaise qualité, mais souvent la seule alternative pour scolariser son enfant.
- En haut de la hiérarchie se trouvent les écoles internationales, coûteuses et suivant des programmes étrangers, fréquentées principalement par les enfants des classes aisées et les fonctionnaires internationaux.
- Les écoles catholiques, par exemple, pratiquent parfois une double catégorisation en réservant des plages horaires différentes pour les enfants favorisés et défavorisés. Cela peut se traduire par une offre de programme éducatif plus enrichie, des ressources supplémentaires et une attention particulière pour les élèves considérés comme favorisés. Cette pratique contribue à perpétuer les inégalités sociales.
(Source : Educational System and Social Inequalities in Haiti)
Influence des régimes sur l’éducation
Sous le gouvernement de Sylvain Salnave, malgré des efforts pour prendre le contrôle du système éducatif, l’instabilité politique a entravé les avancées. La Constitution de 1867 a déclaré l’enseignement libre, sous la surveillance de l’État.
- Sous Michel Domingue, l’instruction primaire est devenue non seulement gratuite mais aussi obligatoire pour la première fois, marquant un tournant dans l’histoire de l’éducation en Haïti.
- Sous l’administration de Salomon, des mesures importantes ont été prises pour la réorganisation des écoles publiques, avec l’arrivée de professeurs français et l’ouverture d’écoles primaires rurales.
- L’occupation américaine de 1915 à 1934 a profondément influencé le système éducatif haïtien, avec la création d’écoles, d’instituts et d’établissements de formation agricole. Les occupants ont utilisé l’éducation pour consolider leur domination.
- Après l’occupation, la constitution de 1935 a renforcé le caractère gratuit et obligatoire de l’enseignement primaire. Maurice Dartigue, nommé ministre de l’Instruction en 1941, a initié d’importantes réformes visant à améliorer la qualité de l’enseignement.
- Dans les années 1940-1950, le nombre d’écoles catholiques a augmenté, avec l’arrivée de nouvelles congrégations religieuses.
- En 1997, une loi de planification a été votée pour garantir l’accès à une éducation de qualité pour tous sur 10 ans. Le budget alloué à l’éducation a considérablement augmenté, permettant une amélioration significative du taux de fréquentation scolaire, bien que des défis persistent en termes d’accès équitable à l’éducation.
(Source : Educational System and Social Inequalities in Haiti)
La réforme Bernard
En 1982, la Réforme Bernard a établi le créole haïtien et le français comme langues officielles d’enseignement en Haïti. Le créole haïtien est devenu la principale langue utilisée pour l’enseignement primaire sur une durée de cinq ans, tandis que le français est enseigné ou utilisé comme langue d’enseignement selon les écoles. Cependant, en raison du manque de manuels en créole, de ressources pédagogiques adaptées et de formations insuffisantes pour les enseignants, la mise en œuvre efficace de la Réforme Bernard a été entravée. Malgré cela, cette réforme a ouvert de nouvelles perspectives pour le système éducatif haïtien. Elle visait à rendre l’éducation plus accessible à un grand nombre d’enfants en Haïti. Cela comprenait la construction de nouvelles écoles, l’expansion des infrastructures éducatives dans les zones rurales. La réforme s’est également concentrée sur l’amélioration des programmes de formation des enseignants et la mise en œuvre de nouveaux programmes d’études.
(Source : Educational System and Social Inequalities in Haiti)
Les frais de scolarité imposés par la plupart des établissements constituent un frein majeur pour de nombreux Haïtiens. Ces écoles, gérées par des intérêts privés, exigent généralement des frais auxquels s’ajoutent les coûts de transport, l’achat de manuels et d’uniformes obligatoires. Il est donc difficile pour de nombreuses familles d’envoyer leurs enfants à l’école.
On peut prendre par exemple le cas de la Ruche enchantée. Cette dernière est une école d’un quartier de la capitale haïtienne. Les frais de scolarité vont de 127 dollars pour la 1ère année à 180 dollars pour la 6e année. Ces montants sont plus élevés que le salaire moyen d’un haïtien (qui s’élève à 134 dollars par mois selon la banque mondiale.)
Pour remédier à cette situation, un programme d’exemption de frais a été lancé en 2007, avec le soutien technique et financier de la Banque mondiale et de la Banque de développement des Caraïbes.
Ce programme est destiné aux enfants de 6 à 8 ans entrant en primaire.
Cependant, malgré les mesures prises, les parents haïtiens continuent de faire face à des difficultés croissantes en raison de l’augmentation annuelle des frais de scolarité. La loi sur les frais scolaires publiée en janvier 2017 n’a pas réussi à mettre fin à cette pratique persistante dans les institutions scolaires.
Chaque année, les familles se plaignent de l’augmentation excessive de ces frais, aggravant ainsi leur fardeau financier déjà lourd. Actuellement, les frais de scolarité annuels moyens s’élèvent à 75 dollars, soit environ 60 euros. Cette somme est significative pour les familles, surtout dans un pays où le revenu national brut par an et par habitant est de 560 dollars, soit environ 430 euros.
L’école publique se situe généralement à plusieurs kilomètres de la campagne, ce qui représente un défi pour les enfants haïtiens vivant à la campagne. En effet, ils doivent souvent parcourir cette distance à pied. En conséquence, de nombreux enfants, surtout les plus jeunes qui manquent d’autonomie, ne sont pas scolarisés.
Dans ce contexte de chaos et de violence, des écoles ont été attaquées par des groupes armés, avec des rapports signalant des fusillades, des pillages, des enlèvements et des incendies.
Entre octobre et février (2023-2024), les écoles ont été prises pour cible à 72 reprises, comparé à seulement 8 incidents pour la même période l’année précédente. En février, 30 écoles ont été contraintes de fermer leurs portes en raison de l’aggravation de la violence dans les zones urbaines. Par ailleurs, depuis octobre dernier, plus d’une école sur quatre est restée fermée.
Selon Michel Julien, consultant en développement économique, l’éducation joue un rôle crucial dans le changement en Haïti. Avec près de 70 % de la population analphabète, il est impératif de repenser le système éducatif.
Actuellement, l’État ne prend en charge que 13 % des frais liés à l’éducation, laissant le reste à la charge des parents. Investir dans l’éducation est un choix de société essentiel pour progresser.
Les crises socio-politiques, la pauvreté généralisée et l’instabilité économique impactent directement l’éducation haïtienne. Avec un taux d’analphabétisme élevé, une infrastructure éducative insuffisante et des inégalités régionales, l’accès à l’éducation reste compromis. Dans ce contexte, l’éducation demeure un outil crucial pour le changement en Haïti, nécessitant un investissement significatif pour progresser.
FAQ
Les principaux défis de l’éducation en Haïti sont les défis sociaux économiques du pays, la majorité des écoles sont privées et les frais scolaires représentent des charges énormes pour les familles haïtiennes.
D’après l’étude menée par les chercheuses Rebecca Stone et Naomi Ziegler de l’American Institutes for Research, les défis majeurs rencontrés par le système éducatif haïtien incluent la redirection d’une part importante du budget national vers les salaires des enseignants, au détriment des initiatives éducatives, les résultats peu satisfaisants des élèves, l’instabilité des ministres de l’Éducation, et les désaccords persistants concernant la langue d’enseignement, français ou créole.
En Haïti, environ 70% de la population est estimée être analphabète, avec près de 60% des adultes incapables de lire et d’écrire. Ce constat indique que la majorité des Haïtiens sont illettrés, ce qui entrave le développement économique et social du pays. (2022)